C'était très tôt que Altair avait sorti la truffe dehors. Les autres membres de la meute dormaient pour la plupart, sauf quelques uns qui s'avancèrent pour lui proposer une escorte. Ils savaient donc que leur dirigeant sortirait, malgré l'absence du soleil. Ici, on le connaissait vraiment trop bien... Ça en devenait surprenant. D'un mouvement de la tête un peu brusque, il leur ordonna de déguerpir. Même s'il riait sous cape de les voir se précipiter vers lui, de vouloir partager une marche avec le grand Alt., il les laissa incrédules là où ils se trouvaient. La tête haute, tout en raclant le sol de ses griffes, le chien prétentieux disparu dans la forêt. On ne le suivrait pas. Il l'a clairement fait comprendre. C'est très agréable de se promener sur son domaine. On se sent si puissant, personne ne traîne dans les parages, parce que cette terre vous appartient. Altair ne cherche pas à chasser ou à vérifier qu'il n'y a pas d'intrus -ces derniers n'oseraient pas mettre plus de trois pattes sur le territoire des Purs, ou alors ils sont très naïfs, de croire qu'ils en ressortiront indemnes-, il veut simplement laisser son odeur sur son passage, pour faire comprendre qu'il ne craint personne, qu'il n'a pas besoin, lui, de marquer des frontières, le seul fait qu'il passe par là signifie que cet endroit est sa propriété. Oh, bien sûr, il ne faut pas trop aller vers les Mixteurs, une centaine de pas sur leur terrain n'est pas gênant mais c'est surtout les rencontrer en bande qu'il déteste le plus. Je vous explique, Altair tient à garder une image féroce et sûr de lui, se faire battre par ses ennemis serait bien la pire honte à supporter. La honte et l'humilité, le dirigeant ne connait pas cela. Ou alors il l'ignore, trop occupé à se considérer comme le plus fort de tous.
Quand il arrive au niveau de la rivière mousseuse, il fronce les sourcils et s'arrête le temps d'une seconde. Il tourne vivement la tête à droite et à gauche. Le petit bruit de l'eau pourrait dissimuler celui d'un Mixteur tapi dans les fourrés. Altair n'aime pas ça. Ce n'est pas aussi innocent qu'à son habitude. Si c'était un jour ordinaire, il aurait bien sûr fait attention en traversant mais là... Ça sentait mauvais. L'embuscade à cette heure ci ? Non non. Son égo prend le dessus, il se résonne comme il faut. « Qui voudrait t'attaquer, toi, le grand Alt. ? Si on ne te craint pas, on te hait ou on te sert. Ceux qui constituent ta garde et ta force, sont restés là où leur a indiqué. Ceux qui te détestent n'oseraient pas mettre les pieds sur tes terres, et ceux qui te craignent sont à au moins trois forêts d'ici. » Rien à craindre ? Il n'en est pas sûr, pour une fois. Il s'assied et attend que quelque chose bouge, se manifeste, pour lui prouver que ce n'était qu'un chat efflanqué ou une taupe perdue. À l'affût, il guette le moindre signe à pourchasser. Mais il aboie tout de même, pour souligner le fait que même s'il ne sait pas ce qui se cache par là, il n'a pas peur de lui et s'affirme en tant que maître du lieu.

Halte !